Parmigiani Fleurier : visite au cœur du patrimoine horloger



Janvier 2013, Parmigiani Fleurier me promet une visite au cœur d’une "véritable manufacture". Mars 2013 : promesse tenue, à ma plus grande satisfaction.



VISITE DE LA MANUFACTURE PARMIGIANI FLEURIER

Maison mère de Parmigiani Fleurier

Soucieux d’apporter ma contribution à la perpétuation du patrimoine horloger, de par mes actions de sensibilisation au problème de la contrefaçon horlogère, je me suis dernièrement penché, entre autres, sur la recherche de manufactures authentiques, ces maisons horlogères qui conjuguent leurs efforts pour garder leur patrimoine horloger intact et qui proposent à leur clientèle des garde-temps que l’on peut encore qualifier de « produits de haute horlogerie ».


Nombre d’amateurs de belles montres connaissent Parmigiani Fleurier pour sa célèbre montre Bugatti, une montre hors du commun, tant par son design que par la complexité du mouvement qui lui donne vie. Mais Parmigiani Fleurier, ce n’est pas uniquement un modèle exceptionnel, loin de là.


A la tête de Parmigiani Fleurier, Jean-Marc Jacot (gauche) et Michel Parmigiani (droite)


Originaire de Couvet, Michel Parmigiani a baigné toute sa jeunesse dans l’univers de l’artisanat.  Après deux formations d’horloger entre Fleurier et le Technicum de la Chaux-de-Fond où il recevra une distinction, il ouvrira sa propre société de restauration de pièces historiques et deviendra un maître dans ce domaine, touchant les plus belles pièces, nées de 400 ans d’horlogerie. Il n’a alors que 26 ans. Cette maîtrise lui vaudra rapidement le soutien et la reconnaissance de la fondation de famille Sandoz, avec qui il fondera, en 1996, la marque Parmigiani Fleurier, une société horlogère où la propre collection de Michel Parmigiani pourra voir le jour, issue d’une conception, d’une création et d’une réalisation 100% manufacture.

Il est intéressant de noter à quel point ce personnage singulier restera toujours accroché à son objectif initial, à savoir « établir des critères esthétiques et techniques innovants pour la certification de montres mécaniques achevées » et « redonner une valeur patrimoniale à l’art horloger suisse en l’inscrivant dans une pérennité des savoir-faire manufacturés. » A en juger par les créations horlogères qui ont suivi, ce ne sont pas ici que des mots ou des « leitmotivs » destinés à impressionner, en témoignent la célèbre Bugatti ou encore les tourbillons, quantièmes perpétuels et autres répétitions minutes de la marque.


L’histoire de Parmigiani est si riche en anecdotes historiques et culturelles que j’y consacrerai très probablement un article plus exhaustif dans les mois prochains. Revenons à notre sujet initial, la visite de la manufacture.


Habitué à faire mon « homework » avant de commencer un périple (comprendre ici « visiter une manufacture horlogère suisse »), j’avoue cette fois-ci ne pas avoir été exemple de courage et tout ce que j’avais retenu de la manufacture, outre ce que j’en connaissais déjà, se résumait à : « Jean-Marc Jacot et Michel Parmigiani : une stratégie verticale pour la manufacture Parmigiani Fleurier »... Cela sonnait très marketing à mes oreilles et était loin d’éveiller un sentiment de vif intérêt comme j’aime en avoir avant même de découvrir une manufacture. Je découvrirai rapidement que l’association de ces deux personnages est loin d’avoir une connotation marketing au sens économique où nous l’entendons aujourd’hui. Le mariage entre l’intelligence entrepreneuriale, la passion et le génie horloger donne parfois des résultats surprenants. Commençons la visite…


Première escale : Ale (Jura suisse)

Observer la différence de stratégie entre les différentes manufactures dites « authentiques » est toujours instructif. Certaines d’entre-elles privilégierons une production que l’on pourrait qualifier d’autarcique, alors que d’autres auront plutôt tendance à adopter une stratégie « à chacun son métier ». Dans le premier cas, il est habituel de découvrir une manufacture de taille conséquente, où chacun s’affaire à démontrer ses meilleurs atouts professionnels, produisant dans un atelier des pièces microscopiques pour les passer ensuite à l’atelier voisin, responsable de terminer l’assemblage des mouvements, pendant que l’atelier d’à côté traite les cadrans, pour finalement rassembler le tout dans un dernier atelier qui assemblera définitivement les garde-temps. Dans le second cas, qui nous intéresse ici, nous observerons que la responsabilité de chaque étape de fabrication est donnée à une entreprise spécialisées différente. La visite commence dans la société Altokalpa, à qui Parmigiani Fleurier octroie une confiance totale pour ce qui est de la fabrication des roues, pignons, micro-engrenages, échappement et ressorts. C’est dans cette société que je commencerai ma visite.

Je dois avouer que mon ophtalmologiste se serait frotté les mains en me voyant me détruire la vue à regarder en détail la fabrication de pièces microscopiques, mais une fois rentré dans cet univers de l’infiniment petit, on a du mal à en ressortir tant cela est passionnant, surtout lorsque l’on sait que ces micro-pièces constituent les fondations incontournables des complications les plus impressionnantes du patrimoine horloger suisse.

Création des mouvements… direction Fleurier

A en juger par les différentes communications de la firme, l’intention est claire : réaliser une production verticale. Parmigiani Fleurier est passé de 300 pièces / an à plus de 5.000 en quelques années et la seconde visite conforte immédiatement dans le fait que la manufacture compte bien continuer son ascension. C’est donc chez Vaucher Manufacture que je ferai ma seconde découverte. Parmigiani Fleurier sous-traiterait-elle la réalisation de ses mouvements ? Il n’en est rien. La création de Vaucher Manufacture marque la volonté de poursuivre l'activité privatisée de bienfacture que Michel Parmigiani avait commencé en 1976 au travers de sa société Parmigiani Mesure et Art du Temps. La création de ce site de 40.000 m² n’est qu’une démonstration de la ferme intention de Jean-Marc Jacot et Michel Parmigiani de réaliser un tour de force en amont d’une expansion qui semble vouée à une verticalité certaine. 

Il est intéressant de noter que chaque manufacture possède son propre savoir-faire, sa propre façon d’approcher la réalisation de ses pièces horlogères. Ici tout est fait manuellement d’une part, mais intelligemment, d’autre part. S’il est vrai que la décoration des platines et des ponts, le biseautage-main de tous les composants, la galvanoplastie et autres réalisation nécessaires à la fabrication d’un garde-temps parfait est entièrement réalisé la main, l’intelligence avec laquelle les outils sont réalisés pour une production parfaite est elle aussi impressionnante. L’esprit R&D est présent en permanence et a autant d’importance que la production, production quotidiennement observée et revue dans une optique d’amélioration constante de la qualité.

De mon point de vue, je pense que le plus heureux des futurs propriétaires d’une montre Parmigiani-Fleurier serait celui qui assisterait à sa réalisation complète. Le simple fait d’observer la précision avec laquelle la personne responsable du biseautage réalise les finitions du pont de mouvement tourbillon suffit à changer à tout jamais la vision que l’on a de la montre. Notez bien que je n’ai pas utilisé le terme « employé » car au vu de la qualité du travail réalisé, ce terme n’a plus aucune raison d’être. A chacun de donner le qualificatif qu’il entend, artiste pour certains, compagnon pour d’autres….

 

Première étape de l’habillage du mouvement : les cadrans

Lorsque l’équipe Parmigiani m’annonce que le périple n’est pas terminé et que nous devons maintenant nous rendre à la Chaux-de-Fonds, je commence à me demander si je serai encore dans un état physique adéquat pour découvrir une montre entièrement assemblée, que je pourrais passer à mon poignet. La réponse tombe comme un jugement sans appel : « Ce n’est pas terminé, nous allons ensuite voir la réalisation des boîtiers puis, enfin, retour à Fleurier pour découvrir tout d’abord notre atelier de restauration, suivi de la découverte des garde-temps assemblées. » Mais il en faudra plus que cela pour émousser mon envie de découvrir de quelle manière la manufacture s’y prend pour fabriquer les cadrans, d’une finition extrême, que j’avais pu observer sur les quelques modèles qui m’avaient été présentés au SIHH en janvier. 

Nous sommes accueillis par une personne très enthousiaste qui ne cachera pas, durant toute la visite, sa fierté concernant la qualité de fabrication des cadrans Parmigiani Fleurier. Je m’aperçois très rapidement que cette fierté est légitime et cette visite a été une découverte des plus fascinantes. Ici encore, je ne peux m’empêcher de penser que le jour où me prendra l’envie d’acquérir un garde-temps de la manufacture, je ne manquerai pas d’y retourner pour en observer une fois encore la fabrication complète - difficile désormais de penser autrement car si le plaisir de s’offrir une telle montre est certes important, il est désormais évident pour moi qu’il est totalement possible de l’amplifier de manière conséquente en en regardant la réalisation de ses propres yeux. Avis aux collectionneurs avertis…

Nous commençons ici par une présentation de quelques prototypes, des cadrans hauts en couleurs, des pièces uniques « estampillées » à l’effigie de clubs de football ou d’événements artistiques de renommée mondiale, Parmigiani travaille sur tous les fronts et a l’air de fortement s’intéresser au sport et à l’art. Assister à la réalisation de la mise en couleur et du sablage d’un cadran est assez impressionnant. Le rendu final me donne, sur le moment, envie de me faire faire une montre monochrome. Mais la pause des indexes en or rose me fera changer d’avis. A chaque étape, je me demande ce qui va pouvoir être ajouté au cadran pour en améliorer les finitions ou simplement le rendre plus esthétique qu’il ne l’est déjà. A noter qu’à chacune de ces étapes, la réalisation du cadran devient de plus en plus difficile et la personne qui est en charge de l’étape suivante a de plus en plus de responsabilités. La moindre erreur et le cadran retourne à la case départ. Je me rends compte que dans le domaine de la « manufacture authentique », la machine n’a sa place que dans le cadre de l’amélioration de la rentabilité, tant que cela est faisable. Le travail manuel remplira toujours plus de 90% de la chaîne de production car il est impossible d’apporter autant d’attention à la réalisation d’une pièce en laissant cette responsabilité à un outil mécanique, aussi précis soit-il. Le travail à la main est ici indispensable. Le marquage du cadran, une des étapes les plus délicates, vient immédiatement après la pose du cerclage en matériau précieux, propre au logo de la firme. Plusieurs couches d’une encre spéciale seront apposées manuellement. Finalement, j’ai davantage l’impression d’assister à la réalisation d’un tableau qu’à la fabrication d’un cadran et mon envie de réaliser un cadran monochrome disparaîtra petit à petit, laissant place à une confiance totale en la capacité créative des maitres d’œuvre de chez Parmigiani Fleurier.



 

Glisser la montre dans son habitacle

Direction la fabrique de boîtiers de prestige, intégrée dans l’axe horloger de  Parmigiani Fleurier en 2000 : Les Artisans Boîtiers.

J’ai toujours été en admiration devant les quelques manufactures capable de réaliser un boîtier de forme si parfaite que l’observateur averti soit à même de juger de la qualité de la montre, et ce avant même d’en découvrir la marque. Cela a été le cas ici et le fait que les boîtiers soient fabriqués indépendamment du reste de la montre m’aura permis, par l’observation, de me conforter dans le fait que Parmigiani est bien une manufacture authentique à part entière. J’ai eu la chance d’assister à une partie de la fabrication d’un boîtier du modèle Toric répétition minute de la firme, spectacle impressionnant, même si la précision extrême avec laquelle cela est orchestré a pour vocation, au final, d’accueillir le mouvement pour un fonctionnement parfait. Il est parfois difficile de différencier la nécessité technique et la réalisation artistique. La pièce passe ensuite entre les mains du responsable du polissage qui donnera au boîtier la dernière touche, le rendant ainsi parfait sous tous les angles, prêt à recevoir son mouvement.




Finalement passer la montre autour du poignet…

A en juger par le niveau de professionnalisme et la conscience professionnelle de chaque acteur de la firme, on est en droit de se demander s’ils ne seraient pas capables de se déplacer chaque jour chez le client pour s’assurer que ce dernier garde toujours le même niveau d’émerveillement au contact de sa montre. La montre est maintenant terminée, et il ne reste plus qu’à l’attacher à son bracelet. Pour cela, Parmigiani Fleurier ne se contente pas de faire appel aux meilleurs fabricants de peausseries, ici encore, tout est poussé à l’extrême et la manufacture se veut d’offrir à son client final émotion, confort et émerveillement. C’est donc à la prestigieuse maison Hermès que ce soin est confié. Inutile ici d’ajouter le moindre commentaire, la touche finale est donnée et la montre définitivement parfaite.




Retour au siège et découverte de la collection…



Nous reprenons la navette pour nous rendre à Fleurier, où me sera présentée la collection. 

Difficile de voir ces montres avec le même regard après en avoir observé en détail la réalisation. L’affinité n’est plus du tout la même et, au risque de me répéter, la prochaine fois que je m’offrirai un belle montre, je ne manquerai pas de revenir à la source pour assister à sa réalisation ; le point de vue n’est plus le même, le plaisir non plus et la satisfaction très probablement encore moins.





Fin de la visite, un satisfaction non dissimulée…



Je ne peux que remercier la manufacture, non pas pour m’avoir promené sur plus de 150 kilomètres de petits routes et paysages enneigés, ni même pour m’avoir réellement donné envie de posséder un de leurs garde-temps, mais pour m’avoir conforté dans le fait qu’il existe encore des manufactures dont la priorité est bien la préservation du patrimoine horloger suisse. Après tout, c’est ce que je cherchais en premier lieu et que je viens de trouver à Fleurier.



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